La Métaphysique

Publié le par Jean-Christophe.PACCHIANA

 
+-----------------+
| La Métaphysique |
+---------------- +
 
I - PRESENTATION

1.1 Définition
===============

La métaphysique est la science et la théorie de ce qui est au-delà des choses physiques, des objets empiriques, de la Nature. En grec " Meta ta phusica " signifie ce qui est au-delà où au-dessus des éléments de la nature.
On distingue généralement deux grandes parties dans la métaphysique :

A-La métaphysique générale qui a pour objet le discours sur l'Etre c'est-à-dire sur l'ensemble des choses dont on peut dire quelles sont.
Ce type de métaphysique coincide avec ce que l'on nomme l'ontologie (du grec ontos qui signifie " l'étant qui est " et logos qui signifie le discours).
Les philosophes grecs Parménide, Héraclite, Platon et Aristote ont accordé une part non négligeable de leur réflexion à ce domaine de pensée. Au vingtième siècle Heidegger mais aussi Sartre l'ont considérablement renouvelé.

B-La métaphysique spéciale dont le sujet porte essentiellement sur les trois thèmes suivants :
Dieu, l'Ame et le Monde.
Cette partie de la métaphysique s'interroge sur les preuves qu'il est possible de donner de l'existence de Dieu, sur la question de savoir si l'âme est immortelle ainsi que sur la structure du monde (est-il fini ou infini ?)

1.2 Les différentes formes de métaphysique
--------------------------------------------
Trois différents types de métaphysique sont à distinguer tant du point de vue de la logique qui les sous tend que du point de vue de ce qu' elles affirment et de ce qu'elles entrainent comme conception du monde (aussi bien sur le plan théorique que sur le plan pratique) :

1- Le Monisme
2- Le Dualisme
3- Le Pluralisme

1.3 La Critique de la métaphysique
------------------------------------
La critique de la métaphysique repose sur différents points de vue

L'opposition à la métaphysique

1.4 Les grands auteurs de la métaphysique
--------------------------------------------

1.5 Les grands auteurs opposés à la métaphysique
--------------------------------------------------



II - LES DIFFERENTES FORMES DE METAPHYSIQUE


1 Le Monisme
==============

1.1 Définition
---------------

Le monisme est une conception métaphysique qui tend à affirmer et à justifier sur le plan rationnel, l'idée selon laquelle le monde n'est composé que d'une seule substance, que cette substance se trouve en toutes choses et même est toutes choses.
Quelle que soit donc la nature de cette substance qu'elle soit matérielle (concrète) ou spirituelle (abstraite), le philosophe moniste suppose donc qu'il n'y a rien d'autre dans le monde qu'elle et que toute pensée de quelque chose qui serait extérieure à elle est à exclure.

1.2 Différents types de monismes
---------------------------------

Tous les monismes n'ont pas le même contenu même s'ils identifient le tout de la réalité à une substance unique : il est intéressant de ce point de vue de constater l'évolution des différentes formes de monismes de l'antiquité au dix-neuvième siècle.

1.2.1 Le monisme de l'Etre
----------------------------
Le philosophe grec Parménide, maître de Zénon d'Elée et inspirateur de la philosophie de Socrate (on dit de Parménide en ce sens qu'il est un pré-socratique) a élaboré sans doute ce qui est l'un des premiers essais de philosophie moniste. En ce sens on peut dire de Parménide qu'il est le père du monisme.
Il postule en effet que dans le monde il n'y a rien d'autre que l'être et que le non-être n'existe pas. En effet le non-être ne peut pas être puisque par définition il n'est pas. De même il ne peut rien y avoir rien d'autre que l'être car sinon l'être serait autre que lui-même ce qui est contradictoire. Par conséquent il faut reconnaître qu'il n'est qu'une seule substance et cette substance est l'être.

1.2.2 Le monisme de la nature-dieu ou le panthéisme naturaliste
-----------------------------------------------------------------
Mais le monisme ne s'incarne pas nécessairement dans une pensée de l'être ou une ontologie générale comme c'est le cas chez Parménide. Il peut également se manifester dans une pensée de la Nature et du monde compris comme univers infini en tant qu'ils sont identifiés à Dieu. C'est précisément ce qui se passe dans la philosophie de Spinoza.
Philosophe du XVII eme siècle, disciple dissident de la philosophie de Descartes, Spinoza postule qu' il n'y a qu'une seule substance dans le monde et que cette substance est Dieu ou la Nature ("deus sive natura"). La Nature comprise comme substance productrice et cause unique de soi, univers infini et éternel n'a pu être créée par rien d'autre qu'elle même puisque rien d'autre qu'elle n'existe. Elle est l'ensemble de toutes les choses qui sont aussi bien les objets empiriques : les fleurs, les tabourets et les chaises (que Spinoza nomme les " modes ") que les éléments qui constituent l'essence de la substance "l'étendue géométrique" et "la pensée" (que Spinoza nomme les " attributs " de l'essence).

1.2.3 Le monisme de l'Esprit
-----------------------------
Enfin on trouve chez Hegel, philosophe allemand du dix-neuvième siècle, les éléments d'une pensée moniste d'un genre qui diffère de celui des deux auteurs précédemment cités :le Monisme spirituel ou monisme de l'Esprit.
Dans la perspective hégelienne, en effet, Tout est Esprit. L'Esprit se retrouve en toute chose et plus profondément dans tous les processus historiques : il est en devenir au milieu de tout ce qui est.
Ainsi l'histoire n'est rien d'autre que la matérialisation de l'Esprit qui se cherche à travers le monde et tente de mieux se comprendre lui-même. Les hommes jetés au milieu du processus historique agissent en poursuivant leurs intérêts, en fonction de leurs passions mais il travaillent en fait pour la raison universelle et la réalisation de sa fin ultime : la liberté.
Si l'histoire des hommes est fonction du développement de l'Esprit ou de la Raison universelle dans le monde, alors toute l'histoire de l'humanité peut être interprétée dans le sens d'un progrès : celui de l'idée de liberté à travers les âges.
C'est pourquoi Hegel, parti d'une représentation moniste de l'Esprit en vient à élaborer une théorie de la fin de l'histoire où le tout de l'Esprit se réalise : L'humanité après avoir subi un type de régime où un seul homme est libre (l'empereur dans les cités antiques) puis où quelques hommes seulement sont libres (les cités grecques dans l'antiquité et la république romaine) finit par accéder au règne de la liberté(c'est le moment de la naissance de l'Etat nation au début du XIX ème siècle).

1.3 Récapitulatif sur la notion de monisme
-------------------------------------------

L'idée de monisme qui identifie le tout de la réalité à une substance unique (en grec le terme " monos " signifie unique) n'est donc pas enfermée dans une compréhension close de son propre concept et il est intéressant de constater qu'à l'intérieur d'une même champ de pensée philosophique diverses formes théoriques peuvent se déployer.



2 Le dualisme
==============

2.1.Définition
---------------

Le dualisme est en matière métaphysique la théorie selon laquelle le monde se compose non pas d'une mais de deux substances. Cette hypothèse dont le caractère est à la fois cosmologique(elle s'applique au monde) et psychologique (elle s'applique à l'homme dans le cadre de la conception des rapports de l'âme et du corps) est née elle aussi dans l'antiquité et a nourri le développement de la pensée chrétienne. Il ne faut cependant pas oublier que le dualisme s'il peut s'apparenter à une conception religieuse du monde n'en est pas nécessairement le complément : de nombreux philosophes sont en ce sens dualistes sans pour autant être des hommes de religion ou même sans être croyants.

2.2 Les différents types de dualisme
--------------------------------------

Le dualisme est une théorie métaphysique très riche dont nous allons voir qu'elle s'applique à de nombreux domaines et qu'elle ne se laisse pas plus enfermer que le monisme dans des conceptions rigides et monolithiques. Le dualisme suppose lui aussi une grande diversité de points de vues.

2.2.1 Le dualisme du monde sensible et du monde intelligible
-------------------------------------------------------------
Platon est sans aucun doute le plus grand représentant du dualisme dans l'antiquité.
Dans le cadre de sa conception duelle du monde il sépare distinctement le monde des idées intelligibles où se trouvent les Idées de Vrai de Bien et de Beau et le monde des choses sensibles qui sont les copies des idées-modèles qui siègent dans le lieu intelligible (le " noétos topos "). Scindé en deux, le monde se trouve donc séparé en un univers supérieur (celui des Idées) où séjournent des entités " pures " et dont le caractère est " éthéré " et un univers inférieur où les entités ont un caractère dégradé ( c'est celui des choses sensibles dans lequel nous vivons, univers d'ombres où nous ne percevons que l'apparence des choses).
Dualiste du point de vue cosmologique (en grec le " cosmos " désigne l'univers), Platon est également dualiste du point de vue psychologique (il sépare la conception de l'âme de celle du corps). Le corps qui appartient au domaine des choses sensibles est " le tombeau de l'âme " (cf Phédon). Seule l'âme est capable de contempler les réalités intelligibles supérieures et c'est à la partie supérieure de l'âme qui se trouve en l'homme (la raison) qu'il importe de commander.
Le dualisme métaphysique de Platon a durablement marqué l'histoire de la pensée et nous verrons à quel point les philosophes dualistes ultérieurs s'en sont réclamés.

2.2.2 Le dualisme chrétien
---------------------------
A la fin de l'antiquité et au début du moyen-âge, Saint Augustin, l'évêque d'Hippone, a conçu une forme particulière de théorie dualiste : le dualisme religieux ou dualisme chrétien.
En incorporant au dogme chrétien le principe de pensée dualiste de Platon, Saint Augustin a doté le christianisme d'un fond de pensée théorique qui lui manquait.
A partir de la théorie platonicienne des deux mondes il a construit une représentation originale du devenir historique en substituant au monde intelligible le monde spirituel qu'il nomme la " cité céleste " et au monde sensible la réalité concrète qu'il nomme la " cité terrestre ".
La cité céleste dont l'histoire est révélée dans la Bible est le modèle de tout ce qui se passe dans la cité terrestre. Elle est ce à partir de quoi Saint Augustin parvient à expliquer la chute de Rome survenue en 410 : c'est parce que Rome était trop attachée aux choses sensibles qu'elle s'est effondrée et seule une cité capable de vivre en suivant le modèle de la cité céleste peut espérer connaître la stabilité.
Le dualisme métaphysique sert ici de fondement à l'élaboration d'un dualisme historique où le sort de l'humanité se joue dans le cadre de la confrontation à une norme idéelle et religieuse : le modèle de l'histoire de la Cité céleste.

2.2.3 Le dualisme cartésien de l'étendue et de la pensée
---------------------------------------------------------
Descartes, philosophe français du dix-septième siècle, est dans les temps modernes la grande référence des penseurs dualistes.
En distinguant radicalement la " res extensa " (la substance étendue) de la " res cogitans " (la substance pensante, le moi, le cogito) il a redonné au dualisme ses lettres de noblesse (lettres qui s'étaient perdues du fait de l'influence de la pensée d'Aristote et des philosophes scolastiques qui au moyen-âge défendaient une théorie toute différente : celle de l'hylémorphisme).
Au coeur de l'intuition dualiste cartésienne nous trouvons donc l'idée originale selon laquelle le corps, objet étendu mesurable dans un espace à trois dimensions, est une substance hétérogène (c'est-à-dire différente par nature) à la substance pensante qui par définition n'est pas représentable dans un espace géométrique. Or cette hypothèse, pour banale qu 'elle nous paraisse, s'est révélée à l'époque fort inquiétante pour les autorités religieuses et scolastiques : en cessant de définir l'âme comme la " forme du corps " selon l'expression d'Aristote, Descartes ouvrait la voie à une théorie matérialiste de l'âme qui ne pouvait que déplaire aux hommes de religion.
Mais le dualisme de l'étendue géométrique et de la pensée n'est pas incompatible avec une conception religieuse du monde et Descartes même s'il ne rejoint pas Platon et Saint Augustin dans le principe de leur conception duelle sur le plan cosmologique, s'accorde parfaitement avec l'évêque d'Hippone pour déduire du principe dualiste de l'âme et du corps (l'âme est une substance différente de celle du corps) l'immortalité de cette dernière.

2.2.4 Le dualisme vitaliste
----------------------------
C'est Henri Bergson, philosophe français de la première moitié du vingtième siècle qui est le grand représentant d'une nouvelle forme de dualisme. Fondé sur l'affirmation de l'hétérogénéité de certains domaines du réel (du vivant et de la conscience) par rapport à la matière physique, le dualisme bergsonien conduit à penser l'âme comme immortelle et à considérer que la vie, entendue en son sens biologique, est le produit d'un "élan vital", une manifestation de Dieu qui se diffracte de manière immanente dans le monde.
Très critique à l'égard de la science contemporaine qui selon lui commet l'erreur de ne considérer le temps que de manière objective et méconnait ainsi la dimension mouvante et subjective de la durée, la philosophie métaphysique de Bergson s'est ensuite développée en un dualisme sociologique original. L'auteur de L'Essai sur les données immédiates de la conscience en vient en effet à considérer qu' il existe des types de sociétés, de morale et de religion distincts : il y a d'un côté celles qui sont statiques et ont un fondement objectif et de l'autre celles qui sont dynamiques et répondent à l'appel de l'élan vital universel qui tend à faire communier les hommes dans la joie.

2.3 Récapitulatif sur la notion de dualisme
--------------------------------------------

La notion de dualisme présente différents aspects et s'applique à des domaines divers (la cosmologie, la psychologie , les mathématiques). Elle a connu toute une série de modifications et d'évolutions qui font qu'il ne faut pas confondre le dualisme ontologique d'un auteur comme Platon avec le dualisme chrétien de Saint Augustin , ou encore avec le dualisme psychologique de Descartes. Néanmoins tous ces auteurs ont en commun de concevoir le monde sur le principe d'une dualité fondamentale entre des substances d'un certain type (idéel) et des entités d'un autre type (réel, empirique).



3 Le Pluralisme
=================

3.1 La Définition
------------------

Le pluralisme est la théorie métaphysique selon laquelle le monde est composé non pas d'une seule substance (monisme) ni de deux substances (dualisme) mais d'une infinité, d'une pluralité de substances. Pour le philosophe pluraliste la structure du monde consiste donc en une agglomération d'entités séparées les unes des autres, entités qui se trouvent jointes entre elles par des principes différents (matériels, spirituels, divins.. ). C'est au niveau de la détermination du principe qui définit les relations entre les entités plurielles que se joue,du reste, une bonne part de l'originalité de chaque conception pluraliste.

3.2 Les diverses formes de pluralisme
---------------------------------------

Le pluralisme est une option métaphysique qui de tout temps a séduit de nombreux philosophes. Elle a l'avantage de correspondre aux développements actuels de la science qui dans son analyse des éléments ultimes de la matière tend à faire émerger l'idée que ces éléments existent en nombre infinis et que peut-être ils sont indéfiniment divisibles (cf l'analyse et la découverte des particules élémentaires).

3.2.1 Le pluralisme matérialiste
---------------------------------
Le pluralisme se confond tout d'abord dans l'antiquité avec le matérialisme et notamment avec la philosophie de Démocrite et d'Epicure. Même s'il est en un sens discutable de qualifier de métaphysique la position de ces deux auteurs dans la mesure où leur discours a toujours porté sur la nature, la " phusis " et aussi du fait que ces deux théoriciens ont vu leurs analyses corroborées par les développements de la science au XX ème siècle, il n'en demeure pas moins que leur position est comme nous allons le voir clairement pluraliste.
Représentant de la conception atomiste qui postule que les corps sont composés de particules indivisibles , éternelles et existant en nombre infini (les atomes), Epicure voit dans l'univers un agrégat de corps multiples. L'univers qui ne possède ni limite ni fin est conçu comme un mélange de matière, de vide et de mouvement : sa structure infinie et le nombre incommensurable des particules qui le composent caractérisant la nature plurielle de ses éléments.
Si le matérialisme peut donc être synonyme de pluralisme c'est avant tout par la conception concrète qu'il nous propose du réel et par le fait qu'il refuse d'identifier la nature à une seule et même entité. En ce sens même si Epicure pense que tout dans la nature est matière , on ne peut le qualifier de moniste. Sa conception de la structure (infinie et dicrète) de la matière le rapproche bien plutôt des philosophes de la pluralité et de la multiplicité.

3.2.2 Le pluralisme monadique
-----------------------------
En réaction à la pensée matérialiste mais aussi à la pensée empiriste et cartésienne, le philosophe allemand Leibniz a, au XVII eme siècle, redonné un nouveau souffle à la pensée pluraliste. Le pluralisme leibnizien a ceci de différent avec celui d'Epicure qu'il n'est pas matériel mais spirituel : pour Leibniz en effet les éléments ultimes qui composent la nature ne sont pas des particules matérielles mais des points de force qu'il nomme des monades, substances, sans portes ni fenêtres, qui se développent selon un plan qui a été créé par Dieu et dont un principe à la fois divin et mathématique ( celui de l'harmonie préétablie ) règle le cours.
Ainsi la monade " fleur " et la monade " César " ne peuvent se comprendre que comme des entités individuelles séparées les unes des autres et liées entre elles par un principe mathématico-divin.( celui de l'harmonie préétablie qui assure la correspondance et le développement harmonieux entre tous ces éléments). Atomes sprituels ou individus spirituels, les monades sont les substances qui existent en nombre infini et qui composent un monde dont toute la cohérence ne peut être expliquée que par l'intervention d'une pensée divine mue par la recherche du meilleur et par les principes de la logique .

3.2.3 Le pluralisme synthétique
--------------------------------
Si Leibniz développe sa conception pluraliste à partir de la nouvelle physique et notamment du calcul infinitésimal, le philosophe anglais Whitehead construit au début du XX eme siècle une métaphysique pluraliste fondée sur les nouvelles conceptions issues de la physique de la relativité et du calcul mathématique des tensions.
L'univers est conçu par l'auteur de Procès et réalité comme une totalité de "nexus" c'est-à-dire d'ensembles d'éléments synthétiquement liés les uns aux autres. Loin de chercher une réalité où un élément ultime qui composerait la matière, il découvre dans le "nexus" compris comme unité synthétique d'entités actuelles, les entités primordiales qui composent l'univers.
Chaque "nexus" entre en relation de " préhension " avec d'autres "nexus" et c'est ainsi que se forment les conglomérats d'entités qui composent le monde.
Peut-être est il difficile et peu encourageant de se comprendre soi-même comme un " nexus " ou un groupe de " nexus ", mais c'est bien ainsi en tout cas que le métaphysicien le plus original du début du XX ème siècle concevait les objets du monde et les êtres qui le composent.

3.3 Récapitulatif sur le pluralisme
------------------------------------

Les grands noms du pluralisme sont nous l'avons vus nombreux et vont toujours de pair avec une conception physique élaborée : c'est aussi bien le cas chez Epicure que chez Leibniz et Whitehead. Néanmoins là aussi c'est la diversité des formes de pensée qui est la plus étonnante et l'originalité des points de vue qui surprend le plus le lecteur.



III LA CRITIQUE DE LA METAPHYSIQUE


La critique de la métaphysique peut revêtir plusieurs caractères, elle n'est pas univoque. C'est pourquoi il est intéressant de voir qu'elle s'est développée à partir de points de vue théoriques et pratiques tout à fait différents. On peut néanmoins considérer que cette critique se fonde essentiellement sur quelques grands axes : théorique, politique, vital,scientifique et ontologique.

1 La critique transcendantale
==============================

C'est au dix-huitième siècle que Kant expose dans La Critique de la raison pure, dialectique transcendantale, sa critique théorique des grands concepts de la métaphysique. Il montre que les concepts utilisés par cette science ne sont pas au sens strict des concepts objectifs produits par l'entendement mais des idées posées par la raison et auxquelles aucun objet ne correspond dans le domaine de l'expérience possible. Situés en dehors de l'espace et du temps les objets décrits par la métaphysique spéciale (Dieu, l'âme et le monde) n'ont pas de caractère de concrétude véritable, ce sont des " illusions transcendantales ".
Pour dépasser les apories du questionnement métaphysique traditionnel qui porte sur la possibilité de la vie de l'âme après la mort, l'existence nécessaire de Dieu et la nature infinie ou finie de notre monde, il convient de réaliser qu'elles sont le produit de l'usage dogmatique de la raison qui outrepasse les limites du " champ de l'expérience possible ".
En dehors de ce champ déterminé par "les principes purs a priori de l'entendement"
aucune connaissance n'a de caractère scientifique véritable : la métaphysique ne peut donc pas prétendre être une science.
Fondée sur une analyse minutieuse des arguments des métaphysiciens, la critique de la métaphysique kantienne a fait date et a obligé tous les métaphysiciens postérieurs à adopter des positions différentes, moins dogmatiques, tournées vers des notions plus abstraites (l'Etre chez Heidegger, le Nexus chez Whitehead...).

2 La critique politique
===========================

Dès le dix-neuvième siècle Marx et Engels expliquent à partir de leur analyse des rapports sociaux et économique que la métaphysique représente, tout comme le religion, une conception inversée des rapports de l'homme au monde, de la conscience au réél, de l'esprit et de la matière. Elle définit en effet l'Esprit comme créateur de la matière alors que la pensée n'est qu'un produit de cette même matière. Elle fait du réel l'image de la conscience alors que c'est la conscience qui est le reflet du réel. Désireux de dépasser et de complexifier le matérialisme antique (d'Epicure et de Démocrite), les deux auteurs du Manifeste du parti communiste ont élaboré une théorie nouvelle qu'ils nomment le matérialisme dialectique et le matérialisme historique (théorie qui s'oppose en tous points aux affirmations de la métaphysique).
Le contenu de la pensée n'est pas simplement déterminé par les sens ou par la matière physique mais aussi par les relations sociales, les rapports de production qui constituent la matière économique de notre monde. C'est ainsi que chaque homme possède non pas une " âme immortelle " mais une " conscience de classe " déterminée par sa situation de classe à l'intérieur du processus de la production. Déterminations sociales et historiques se mêlent pour faire de la conscience de l'individu ce qu'elle est.
La métaphysique elle même dans la mesure où elle cherche à masquer la réalité de la situation de l'homme dans le monde est le reflet d'un certain ordre économique et politique qui a intérêt à renverser la réalité des rapports réels entre le ciel et le terre, la conscience et le monde pour perpétuer sa domination.

3 La critique vitale
=====================

Nietzsche dans sa Généalogie de la morale et dans le Crépuscule de idoles présente la métaphysique et les métaphysiciens comme les rejetons du nihilisme et de la volonté de vengeance. C'est parce qu'ils sont animés par la haine des forts et de la vie que les métaphysiciens construisent toutes leurs hypothèses illusoires. Leur faiblesse vitale les pousse à mépriser tout ce qui appartient au domaine des sens, du corps et de la joie de vivre. Ils se réfugient donc dans leurs mondes abstraits mais décharnés (espérant du même coup prolonger l'humanité dans l'état de souffrance qui est le sien).
Socrate mais aussi Platon et Kant sont compris comme les grands représentants de cette forme de pensée nihiliste, destructrice et hostile aux vivants, que constitue selon Nietzsche la métaphysique. Dans ses ouvrages le " philosophe au marteau " ne manque jamais de les affubler de quolibets ce qui donne un caractère très vivant et iconoclaste à son style d'écriture.
La métaphysique qui a partie liée avec la religion et la morale se présente comme l'un des grands instruments de la répression organique que les penseurs de la domination cherchent à imposer. Il convient selon Nietzsche de se libérer d'elle pour créer une nouvelle espèce d'hommes non entravée par des considérations inhibitrices, porteuse de nouvelles valeurs.
Si les thèses de l'auteur d'Ainsi parlait Zarathoustra peuvent parfois paraître ambiguës sur le plan politique et relever du délire mégalomaniaque, il n'en demeure pas moins intéressant de se confronter à cette pensée mais sans faire preuve d'enthousiasme et en conservant tout son esprit critque.

4 La critique logique
======================

Le débat sur les fondements et la validité des énoncés de métaphysique a rebondi au vingtième siècle avec l'apparition de ce que l'on a nommé le Cercle de Vienne et des auteurs comme Rudolf Carnap. Parti d'une analyse logique des propositions de métaphysique, Carnap dans La Métaphysique devant l'analyse logique du langage montre que les concepts utilisés dans ce domaine de la pensée sont dénués de référents concrets et n'ont donc pas de sens puisqu' ils ne désignent aucun objet corroborable ou testable empiriquement.
Les concepts d'Etre chez Heidegger, de Dieu chez Leibniz, d'Ame chez Platon ne sont ainsi que des " babus ", des mots vides de sens qui n'ont de fonction que purement musicale et décorative. La métaphysique, nouvelle forme de musique est plus proche de la poésie que des sciences empiriques concrètes qu'elle prétend pourtant dépasser.



IV LES GRANDS AUTEURS DE LA METAPHYSIQUE


1 - L' hylémorphisme aristotélicien
====================================

La conception métaphysique d'Aristote repose sur plusieurs notions :

1 Les substances de la nature sont composées de matière et de forme. Elles ne sont pas de simples images d'idées-modèles qui se trouveraient dans un monde intelligible supérieur et parfait (opposition à Platon).

2 Une substance ne parvient à son état de perfection que lorsqu'elle réalise sa forme c'est-à-dire son essence ou concept. Ainsi un cheval qui est composé de matière et de forme ne devient un cheval que lorsqu'il réalise le concept de cheval ou sa forme.

3 Tant qu'une substance ne réalise pas son concept Aristote dit d'elle qu'elle est en puissance d'être (ainsi un bloc de marbre est-il en puissance une statue) et lorsqu'elle réalise son concept il la qualifie d'être en acte (ainsi le bloc
de marbre qui a été transformé en statue est-il une statue en acte).

4 Certaines substances contiennent en elles-mêmes leur forme ou concept (c'est le cas pour les substances ou êtres naturels que sont les fleurs, les animaux et l'homme). Les êtres artificiels ont au contraire leur principe formel de constitution à l'extérieur d'eux-mêmes (c'est le cas de la statue de marbre car le concept ou forme de la statue se trouve préalablement dans l'esprit de son créateur et non pas dans le marbre lui-même).

5 Seule la substance divine semble ne pas être composée de matière et de forme. Elle est "acte pur", "cause finale de toutes choses" c'est-à-dire que toute chose tend à imiter Dieu et à réaliser ainsi sa forme propre.

Bibliographie de l'auteur
Ouvrage difficile d'accès : La Métaphysique

Bibliographie des commentateurs
Ouvrage facile d'accès : l'article de Bréhier dans son Histoire de la philosophie
Ouvrage difficile d'accès : Le problème de l'être chez Aristote de Pierre Aubenque


2 - Le dualisme vitaliste
=============================

Le dualisme vitaliste du philosophe français Henri Bergson repose sur les principes suivants

1 L'âme ou la conscience est d'une autre qualité que le corps. Elle n'est réductible ni aux lois de la physique ni au domaine du quantitatif. Par exemple on ne peut réduire les sentiments humains (amour, haine, joie, tristesse) à une détermination quantitative, à des équations de physique.

2 La temporalité de la conscience n'est pas la même que celle qui est mesurée par le physicien. Alors que le physicien mesure du temps objectif, la conscience s'inscrit un temps subjectif qui ne s'écoule pas de la même façon. Ce temps subjectif Berson le nomme la durée.

3 Observez par exemple la fonte d'un morceau de sucre : pour la conscience cet événement dure et la perception de sa durée varie d'un individu à l'autre alors que pour l'horloge ou le temps du physicien l'événement de la fonte du sucre remplit toujours la même portion de temps objectif.

4 Toutes les erreurs opérées dans le domaine de la connaissance et de la métaphysique proviennent de ce que le temps est conçu de manière objectif, ramené à des considérations et des dimensions spatiales. Si la dimension de la " durée " était plus souvent prise en compte, la plupart des questions que se pose l'homme sur Dieu et sur la Liberté pourraient être solutionnées.

5 Ainsi les paradoxes de Zénon d'Elée sur le temps (il croyait l'écoulement du temps contradictoire et impossible) trouvent-ils leur solution dès lors que l'on comprend le temps non pas sous son rapport objectif et mathématique mais sous le rapport de la "durée ", du " mouvant " dans lequel se fond toute chose.

6 En tant donc qu'elle est hétérogène à la matière, la conscience comme la Vie (entendue en son sens biologique) se déploie sur un mode différent de temporalité, c'est pourquoi l'on peut croire en son immortalité. Si elle était réductible aux éléments empiriques et matériels, il n'y aurait en effet aucun moyen de penser l'âme comme immortelle.

Bibliographie de l'auteur
Ouvrage accessible à tous : La pensée et le Mouvant
Ouvrages difficiles : Essai sur les données immédiates de la conscience, L'Evolution créatrice, Durée et simultanéité.

Bibliographie sur les ouvrages de commentaire
Ouvrage accessible à tous : Bergson par Maurice Halbwachs
Ouvrage difficile : Le Bergsonisme par Gille Deleuze


3 - Le Dualisme de l'esprit et du corps
========================================

Le dualisme cartésien repose sur les principes suivants :

1 Il existe entre l'âme et le corps une différence de nature et de substance. La substance spirituelle ou
" res cogitans " n'est pas représentable à l'aide de coordonnées géométriques alors que la " res extensa " ou " chose étendue " est représentable au travers de coordonnées " spatiales ".

2 Même si les données des sens peuvent nous tromper, nous ne pouvons pas douter de ce que, lors même que nous doutons, nous sommes toujours des êtres pensants. Cette découverte de l'existence en nous de quelque chose d'indubitable " le cogito " se matérialise chez Descartes par la pensée suivante " je pense donc je suis " (cf Discours de la méthode) ou " je suis, j' existe " (cf Méditations métaphysiques).

3 La découverte du cogito (la fameuse chose pensante) fonde chez Descartes la certitude que nous pouvons avoir dans le contenu de nos connaissances. En effet, si notre savoir ne reposait que sur les choses étendues qui sont trompeuses ou peuvent l'être aucune certitude ne serait possible. C'est donc sur un autre fondement qu'il faut faire reposer le savoir et ce fondement c'est " le cogito " la " res cogitans " " l'esprit " dont l'existence ne fait aucun doute.

4 Pourtant la certitude du " cogito " ne suffit pas à nous convaincre absolument que le monde n'est pas une illusion. C'est donc dans une Idée plus haute et plus riche sur le plan ontologique, plus réelle qu'il faut fonder notre certitude dans l'existence du monde extérieur. Cette idée c'est celle de Dieu en tant qu'il est un être parfait, infini, omniscient, omnipuissant.

5 Dieu en tant qu'il est un être parfait nous garantit contre la déréalisation totale du monde et contre le scepticisme. C'est lui qui donne son poids au monde et justifie notre confiance dans la science (notamment dans la science nouvelle dont Descartes était le représentant).

6 Descartes donne deux preuves de l'existence de Dieu qui sont restées célèbres. La première part de l'idée d'infini et affirme que : " J'ai en moi l'idée d'infini or je suis par nature un être fini (c'est à dire limité dans l'espace et dans le temps), je ne peux donc être l'auteur de cette idée, il faut qu'il existe alors un être omniscient et omnipuissant dont les pouvoirs sont infinis qui ait placé en moi cette idée : cet être c'est Dieu. La seconde affirme que : " de même que la somme des triangles d'un rectangle est égale à deux droits et que la présence d'une montagne suppose celle d'une vallée, l'idée de Dieu suppose nécessairement celle de son existence " (cf Meditations métaphysiques livres 3 et 5). Cette dernière preuve est communément appelée preuve " ontologique " est sera sévèrement critiquée par Kant dans La Critique de la raison pure, dialectique transcendantale.

Bibliographie de l'auteur
Ouvrage facile d'accès : Le Discours de la méthode
Ouvrage plus difficile d'accès : Les Méditations métaphysiques

Bibliographie sur les Commentateurs
Ouvrage facile d'accès : Pour connaître la pensée de Descartes par George Pascal
Ouvrage difficile : La découverte métaphysique de l'homme chez Descartes par Ferdinand Alquié.



4 - Le monisme dialectique de Hegel
====================================

Hegel pose à la base de sa réflexion encyclopédique :

1 Que le monde se développe selon les lois de l'Esprit, entité synthétique à la fois concrète, abstraite et comparable à Dieu ( le tout en fonction d'étapes logiques qu'il nomme " dialectiques ").

2 Que l'Esprit, après s'être extériorisé de la Nature où il demeurait aliéné, a commencé une longue odyssée dont le but n'est rien d'autre que la compréhension de soi.

3 Que l'Esprit se développe tout d'abord sous la forme de l'Esprit Subjectif (c'est le moment de l'apparition de l'âme humaine et de toutes ses facultés) puis de l'Esprit Objectif (c'est le moment de la naissance de la famille, de la société civile et de l'Etat) et enfin de l'Esprit Absolu (qui correspond aux différents moments de l'art, de la religion et de la philosophie).

4 Que le développement de l'histoire humaine répond à une logique spirituelle analogue à la logique dialectique poursuivie par l'Esprit et que, par conséquent, la structure de l'histoire est absolument rationnelle.

5 Que le développement de l'art obéit lui aussi à la logique dialectique de l'Esprit qui veut que les contraires, après s'être opposés dans un premier et dans un deuxième temps finissent par être dépassés dans un troisième moment (c'est ainsi qu'après la période symbolique et la période classique intervient dans l'art la période romantique).

6 Que " tout le réel est rationnel et que tout le rationnel est réel " au sens où rien dans le réel ne peut échapper à une investigation poussée de la raison qui sait réfléchir les phénomènes de manière dialectique et les ordonner dans le tout d'un système constitué.

Bibliographie de l'auteur
Ouvrage difficile d'accès: Abrégé de l'encyclopédie des sciences philosophiques,
La Logique
Ouvrage facile d'accès : La raison dans l'histoire, L'Esthétique

Bibliographie sur les ouvrages de commentaire
Ouvrage "facile" d'accès : Le matérialisme dialectique, première partie, d'Henri Lefebvre


5 - La métaphysique du devenir
===============================

La métaphysique héraclitéenne repose sur les principes suivants :

1 Ceux qui pensent que le cosmos est parfaitement identique à lui-même se trompent (opposition à Parménide).

2 Le monde est en perpétuel changement, en perpétuel devenir.

3 Le monde est mu par des contradictions incessantes, il est le produit de l'opposition entre le positif et le négatif.

4 Puisque tout est changement dans le monde on peut affirmer que "l'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve".

5 L'aspect mouvant de toute chose empêche que l'on puisse distinguer clairement le vrai du faux.

Nb : Philosophe du devenir et du mouvement, Héraclite a beaucoup influencé la philosophie postérieure.Hegel, Marx, Engels, Lénine, Marcuse, Horkeimer sont à leur manière ses héritiers.Quant au site heraclitea.com il lui doit son nom.


6 - Le pluralisme spiritualiste
================================

Le pluralisme leibnizien ou pluralisme monadique pose que :

1 Le monde se compose non pas d'une ni de deux substances mais d'une infinité de substances dont le développement harmonieux est réglé par l'entendement de Dieu : ce sont les monades.

2 Les substances-monades ne sont rien d'autres que les objets (César, les fleurs, les pierres...) qui nous entourent en tant qu'ils sont compris comme des substances spirituelles dont le cours est réglé par la pensée de Dieu.

3 Tous les rapports entre les substances en tant qu'ils sont déterminés par l'entendement divin obéissent au principe du meilleur et au principe de l'harmonie préétablie : les monades ne communiquent pas directement entre elles, elles sont "sans porte ni fenêtre" mais elles évoluent ensemble de manière la plus parfaite possible.

4 C'est pourquoi l'on peut dire que nous vivons dans le meilleur des mondes possibles. En effet parmi tous les mondes possibles qui sont pensés par Dieu un seul est choisi par lui, c'est celui dans lequel nous sommes et qui n'est rien d'autre que le fruit de la meilleure organisation rationnelle possible des rapports entre toutes les substances.

5 C'est pourquoi également nous ne devons pas considérer l'existence du mal comme une raison de ne pas croire en Dieu mais bien plutôt comme un élément de la logique cosmologique et arithmétique de Dieu. Sans le mal la liberté de l'homme par exemple pourrait apparaître comme impossible et nous ne serions pas alors dans le meilleur des mondes possibles.

6 L'ordre que nous observons dans la nature (la possibilité d'exprimer les mouvements entre les corps à l'aide de l'outil mathématique) est le signe du travail d'organisation de l'entendement divin.

Bibliographie de l'auteur
Ouvrages accessibles : Le discours de métaphysique, Les principes de la nature et de la grâce
Ouvrage difficile d'accès : L'Essai de théodicée.

Bibliographie des commentateurs
Ouvrage accessible : Le Pli de Gilles Deleuze
Ouvrage difficile : Leibniz critique de Descartes par Yvon Belaval.


7 - Le monisme parménidien
===========================

1 Pour le philosophe grec Parménide il n'est qu'une seule substance dans le monde et cette substance est l'être. Seul l'être est car tout ce qui est est être.

2 L'idée que le non être puisse être est contradictoire car le non être par définition n'est pas.En effet si le non être était il faudrait par conséquent que ce qui n'est pas soit. Cela est totalement contradictoire : il faut donc admettre qu'il n'y a que de l'être et que le non-être n'est pas.

3 Mais l'être est-il " un " ou " deux " ? Si l'être est deux il n'est plus l'être car il y a quelquechose d'autre que lui le " deux ". Mais si l'être est " un " il n' est plus non plus ce qu'il est puisqu'il est " un ". Il devient alors autre chose que lui-même.

4 L'être n'est donc pas autre chose que lui-même. Tout ce que l'on peut dire avec assurance de lui c' est que l'être est.

5 Pour le définir Parménide se contente d'affirmer que si rien n'existe en dehors de l'être, on ne peut pas dire absolument que l'être soit un tout car sinon il serait composé de parties et la multiplicité s'introduirait en lui. L'être est comparable à une sphère (cf les fragments du poème de Parménide).

6 Si l'être est et s'il n'y a rien en dehors de lui alors le changement que nous observons dans le monde sensible n'est qu'une illusion, un faux-semblant, il n'existe pas. Le devenir n'est qu'une illusion et le temps lui même est une contradiction vivante. Il n'y a que de l'être, hors de l'être rien n'est et le devenir qui se présente comme quelque chose d'autre que l'être ne peut pas être.

Nb : Parménide est un philosophe présocratique (c'est-à-dire " qui vient avant
Socrate "). Il a été le maître de Zénon d'Elée dont les paradoxes sur le temps sont restés célèbres. Père de la tradition idéaliste, sa philosophie est l'opposé direct de celle d'Héraclite qui tenait pour vrai que le devenir est la seule loi de l'être, que tout est en mouvement (" on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve"). Son point de vue fait l'objet d'un dialogue critique dans Le Sophiste de Platon.

Bibliographie de l'auteur
Le poème de Parménide

Bibliographie sur les ouvrages de commentaire
Essais et Conférences de Heidegger


8 - Le dualisme du monde sensible et du monde des Idées
========================================================

Le dualisme platonicien repose sur les propositions suivantes :

1 Il existe deux mondes séparés dont l'un est le modèle de l'autre dont l'un est supérieur à l'autre. Le Monde intelligible, composé des idées mathématiques et des Idées de Bon de Vrai et de Beau et le Monde sensible composé des choses réelles et des images des choses réelles (cf La République livre 6 , le " paradime de la ligne " et " le mythe de la caverne " livre 7).

2 La supériorité ontologique du Monde intelligible se fonde sur sa stabilité. En effet, alors que le Monde sensible ne cesse de changer et se révèle la proie du devenir, le Monde intelligible se caractérise par son immutabilité, son caractère d'éternité. Sans cette dimension d'immutabilité rien de ce qui apparaît dans le Monde sensible ne pourrait manifester le caractère de relative stabilité qu'il possède.

3 L'idée supérieure qui se trouve au sommet des autres idées est celle de Bien. Elle est comparable au soleil dans le Monde sensible. C'est elle qui donne vie et organise le Monde intelligible (cf La République livre 6).

4 Les choses du monde sensible participent des idées intelligibles qui sont leur modèle. C'est de la qu 'elles tirent leur cohérence et leur forme. Ainsi les choses belles dans le monde sensible (les tableaux, les soupières, les marmites..) sont belles par ce qu'elles participent de l'idée de Beau qui se trouve dans le monde intelligible. Idem pour les choses bonnes et les choses vraies.
On appelle cette théorie, la théorie de la " participation " : elle est notamment exposée par Platon dans Le Phédon.

5 L'objet véritable de l'étude philosophique réside dans le monde intelligible et non pas dans le monde sensible. C'est en contemplant les Idées que l'on progresse sur la voie de la réflexion philosophique, c'est en se détournant du monde des corps qui fait obstacle à la vraie connaissance que l'on parvient à une béatitude authentique (cf Phédon).

6 Celui donc qui voudra gouverner la cité devra être philosophe : c'est-à-dire posséder la connaissance des idées les plus hautes (ex : l'Idée de Bien, de Vrai, de Beau). Il devra pour cela maîtriser la " dialectique " qui est la science des formes intelligibles et qui n'est enseignée qu'aux meilleurs d'entre les " gardiens " de la " cité idéale "
(cf La République livre 7).

Bibliographie de l'auteur
Ouvrage faciles d'accès : Le Phédon, Le Criton, La République
Ouvrages difficiles d'accès : Le Philèbe, Le Politique, Le Parménide, Le Sophiste
Des commentateurs
Ouvrage facile d'accès : Platon par François Chatelêt
Ouvrage difficile d'accès : Platon par Léon Robin


9 - L'ontologie sartrienne de l'en soi, du pour soi et du pour autrui
=======================================================================

Dans la conception sartrienne de l' ontologie on trouve
les propositions suivantes :

1 La relation fondamentale de l'homme au monde est celle de la contingence (l'homme aurait aussi bien pu être au monde que ne pas être) et c'est ce qui détermine sa situation originaire de liberté.

2 Le monde n'est face à l'homme rien d'autre que de l'être inerte (Sartre le nomme de "l'en soi") : c'est cet "en soi" qui nous donne la nausée.

3 L' homme qui appréhende le monde est un "être-pour-soi" c'est-à-dire un être qui a conscience d'être soi et qui se saisit de manière réflexive comme pour-soi (attention le fait que l'homme soit un être pour-soi ne signifie pas qu'il est égoïste mais qu'il est doté d'une conscience).

4 C'est en niant l'être en soi par l'exercice de sa conscience que l'homme se saisit comme être pour soi et s'apparait à lui-même comme être au monde.

5 Dans son rapport avec autrui (que Sartre nomme le "pour-autrui") l'homme rencontre de nombreux obstacles du fait de la difficulté de communiquer avec les autres (cf le problème de l'incommunicabilité) et des rapports de domination et de sujétion qui s'instituent entre eux (cf problème de l'amour, de la jalousie, du sadisme..). "L'enfer c'est les autres".

6 Néanmoins il serait illusoire de croire que l'on peut vivre sans autrui parce que l'on perçoit toujours son image dans le regard des autres et parce que l'on ne peut pas se choisir soi même sans engager du même coup l'humanité toute entière.

Bibliographie de l'auteur
Ouvrage difficile d'accès : L'Etre et le Néant
Ouvrage facile d'accès : L'existentialisme est un humanisme


10 - Le monisme de l'absurde
==============================

Le monisme de la Volonté selon Schopenhauer

1 Le monde est mu par une force aveugle mais très puissante qui fait évoluer et détermine le comportement de toute chose sans direction préétablie : cette entité Schopenhauer la nomme la " Volonté ". Elle est l'essence de notre univers compris dans sa totalité.

2 Le monde en tant qu'il est mu par la Volonté n'a pas de signification, il n'est que désordre et chaos, source infinie de souffrance. L'hypothèse d'un Dieu transcendant créateur de notre univers est une illusion démentie chaque jour un peu plus par les faits : l'absurdité de l'existence humaine s'étale à chaque instant sous nos yeux.

3 Il demeure cependant possible de comprendre le monde de manière ordonnée mais il faut alors le regarder sous le rapport de la représentation objective et scientifique c'est-à-dire sous le rapport de ce que Schopenhauer nomme après Kant les phénomènes.

4 Les phénomènes s'ils sont regardés sous le rapport de la Volonté sont tous libres parce que la force qui les meut n'a aucune direction définie (liberté de l'absurde). Les phénomènes s'ils sont regardés sous le rapport de la représentation et du schéma de la causalité sont tous déterminés et ne sont pas libres (déterminisme strict).

5 On peut donc dire de l'homme à la fois qu'il est libre et non libre selon qu'on le regarde sous le rapport de la science et de ses explications causales ou sous le rapport de la Volonté comprise comme chose en soi, essence du monde.

6 Le vrai philosophe qui comprend que tout est Volonté dans notre monde ne cherche pas à se rassurer sur l'avenir de celui-ci mais essaye plutôt de se soustraire à sa loi d'airain : (a) par le mécanisme de la contemplation artistique qui nous élève au dessus des préoccupations utilitaires et intéressées (b) par l'élaboration d'une éthique de la négation du désir qui n'est que la manifestation en nous de la puissance de la Volonté et de sa force destructive (le désir est notre pire ennemi, il nous pousse sur les chemins de l' absurde).

Nb : vous ne devez pas confondre la Volonté comme " chose en soi " avec la faculté humaine de la volonté (si la volonté de l'homme poursuit toujours un but celle du monde n'en a aucun).

Bibliographie de l'auteur
Ouvrage difficile : Le Monde comme volonté et comme représentation
Ouvrages plus accessibles : La Volonté dans la nature, Les Parerga Paralipomena


11- Le monisme panthéiste et naturaliste
==========================================

Le monisme de Spinoza repose sur les idées suivantes :

1 Spinoza nomme Dieu ou la Nature la totalité de la substance du monde. Il pose au fondement de son système l'équation suivante :
Dieu = La Nature = Le Tout = L'Infini =L' Eternité.
En effet la nature en tant qu'elle est cause de soi est l'unique substance du monde, elle n'est limitée par aucune substance extérieure dans l'espace (par conséquent elle est infinie) ni dans le temps (par conséquent elle est éternelle).(cf Ethique partie 1)

2 Il nomme attibuts les deux rapports sous lesquels il est possible de comprendre l'essence de la substance : la pensée et l'étendue. (cf Ethique partie 1)

3 Il nomme mode les expressions de l'essence de la Substance-Nature : ce sont les objets finis. Si la nature-substance s'exprime donc à travers une multiplicité de modes, d'objets, cela n'enlève rien au fait qu'il n'y a dans l'être qu'une substance unique et que cette substance unique est infinie et éternelle. (cf Ethique partie 1)

4 Cela donne aux modes un statut particulier car en un sens ils sont finis (puisqu'ils sont limités les uns par les autres sur le plan de l'étendue) mais en un autre sens ils sont infinis parce qu'ils sont de la substance (et que la substance est par définition éternelle et infinie).(cf Ethique partie 5)

5 C'est en cela que réside le secret de l'éthique spinoziste et du troisième genre de connaissance (qui est la forme véritable du savoir philosophique). En effet, celui qui refuse les représentations anthropomorphiques de Dieu et comprend que l'univers lui-même et tous les objets qui le composent sont éternels et infinis, accède au contenu véritable de la philosophie et de l'éthique. Il se donne les moyens de voir toute chose "sous l'espèce de l'éternité" et donc de mieux comprendre qu'elle est sa place dans le monde. (cf Ethique partie 5)

6 Le contenu du savoir philosophique qui révèle que l'univers pris comme totalité est éternel ouvre les portes à l'accès authentique au bonheur, à la béatitude. Il permet de ne pas craindre la mort et de ne pas souffrir de ce qui nous arrive car tout ce qui nous arrive est nécessairement éternel puisque nous sommes éternels en tant que nous sommes des parties de la substance. (cf Ethique partie 5)

Nb : A la fois moniste et naturaliste, la philosophie de Spinoza est anti-théologique par excellence. Elle identifie Dieu à l'Univers infini et propose de construire une éthique à partir de cette idée hérétique. C'est ce que Leibniz ne pourra pas accepter et c'est pourquoi assurément il préférera sur le plan métaphysique l'option pluraliste.

Bibliographie de l'auteur
Ouvrage difficile : L'Ethique
Ouvrages accessibles : La réforme de l'entendement humain, Le Traité théologico-politique.
Bibliographie sur les ouvrages de commentaire
Spinoza par Alain


12 - Le Dualisme Chrétien
==========================

Le Dualisme de Saint Augustin repose sur les considérations suivantes :

1 Il existe deux mondes séparés celui de Dieu et celui des hommes, la cité céleste et la cité terrestre. Le monde divin se compose des formes intelligibles pures, des anges et des âmes que Dieu accueille à ses côtés. Quant au monde terrestre, il est celui de la génération et de la corruption, de la mort et du malheur.

2 L'univers divin est marqué par la pureté et l'univers terrestre par le pêché et la souffrance.Dans la "cité céleste" règne "l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi" et dans la cité terrestre "l'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu".

3 Celui qui veut vraiment accéder à la béatitude doit tourner son regard vers Dieu et vers les réalités intelligibles les plus hautes (sous peine de se dégrader et de sombrer dans le pêché).
Celui qui veut être véritablement philosophe doit tourner son regard vers la lumière divine et vers la lumière intelligible. C'est pour lui le seul moyen de s'élever au dessus des contingences empiriques et d'accéder à la Vérité.

4 La connaissance de la Vérité dont la foi et les textes chrétiens sont les dépositaires constitue la base d'une compréhension juste de soi et du monde. Il faut " croire pour comprendre et comprendre pour croire ".

5 La nature spirituelle de l'âme qui appartient au domaine intelligible doit conduire l'homme à contempler les réalités les plus hautes. Sans cela l'âme humaine ne peut que se corrompre et l'homme se perdre.

6 De la même manière c'est l'histoire de la Bible que les hommes doivent suivre s'ils veulent être en accord avec eux-mêmes. Que la Cité céleste serve de modèle à la Cité terrestre comme les idées servent de modèle à la connaissance : tel est ce que le philosophe et l'homme chrétien doivent accepter.

NB : Comme Platon (dont il a christianisé la pensée) Saint Augustin considère que les réalités intelligibles sont plus hautes que les réalités sensibles (supériorité ontologique). La différence réside cependant dans le fait que pour Platon il n'y a pas de Dieu créateur des réalités intelligibles et sensibles. Pour Saint Augustin au contraire ces deux mondes ont été créés par Dieu qui les a fait sortir du néant et les a créés hors du temps.

Bibliographie de l'auteur
Ouvrage accessible à tous : Les Confessions
Ouvrage difficile : La Cité de Dieu

Bibliographie sur les ouvrages de commentaire
Ouvrage accessible à tous : L'amour dans la philosophie de Saint Augustin par Hanna Harendt


13- - La métaphysique whiteheadienne du devenir
================================================

Dans le cadre de sa métaphysique pluraliste et synthétique Whitehead développe le point de vue suivant :

1 L'univers est en perpétuel procès, en "devenir". Il ne cesse de créer de la nouveauté. La créativité de l'univers consiste dans le passage d'éléments disjoints (ex : les atomes) en éléments conjoints (ex : un corps composé d'atomes).

2 Les éléments qui composent l'univers sont les entités actuelles qui au fur et à mesure de leur émergence dans le monde forment des nexus c'est-à-dire des ensembles complexes d'entités actuelles. Ainsi le corps est-il un nexus d'entités actuelles que sont les cellules qui le composent. Mais à leur manière aussi les cellules sont des nexus puisqu'elles sont des ensembles complexes d'éléments primitifs (noyau, cytoplasme, membrane cytoplasmique)

3 Le processus par lequel les entités actuelles réalisent les procès d'actualisation est appelé "concrescence". Le processus par lequel une entité actuelle en intègre une autre est appelé "préhension".

4 L'univers, complexe de nexus et d'entités actuelles, constitue le donné, il réalise des possiblités qui sont contenues dans les objets éternels (entités comparables aux Idées du monde intelligible platonicien) qui ne demandent qu'à être actualisés et le deviennent effectivement au cours du processus d'intégration et de création cosmique.

5 Dieu est le principe, la cause finale (influence d'Aristote) qui fait se mouvoir le procès d'actualisation des possibles (objets éternels) et assure le renouvellement perpétuel de l'univers.

Bibliographie de l'auteur
Ouvrage difficile d'accès : Procès et réalité.



V LES GRANDS AUTEURS OPPOSES A LA METAPHYSIQUE


1 - La critique scientifique de la Métaphysique

=================================================

Dans le cadre de sa conception néopositiviste Carnap montre que :

1 Les concepts de la métaphysique ne désignent aucun objet testable empiriquement au contraire des concepts de la science qui peuvent toujours faire l'objet d'une vérification concrète (à l'aide de tests expérimentaux clairement définis)..

2 Les concepts de la métaphysique sont des " babus " c'est-à-dire des notions dénuées de toute signification objective. Il en va ainsi de l'idée d'Ame, de Dieu, de Substance etc...

3 La vacuité des énoncés de métaphysique se manifeste au fait qu'il est impossible de les exprimer sous la forme d'un énoncé protocolaire du type " il y a un x tel que x se trouve en un lieu y au temps z ".

4 Les théories de métaphysique ne peuvent être ni vraies ni fausses puisqu'elles n'ont pas de sens objectif et que la condition pour qu'un énoncé puisse être déclaré vrai ou faux consiste précisément dans sa propriété de signification objective.

5 Les représentations magiques des religions animistes ont plus d'intérêt sur le plan épistémologique que les théories de métaphysique puisqu'elles peuvent faire l'objet de test de vérification et d'infirmation alors que les concepts de la métaphysique sont non testables empiriquement.

6 Les théories de la métaphysique ne peuvent prétendre dire le vrai ni le faux et s'apparentent dans ces conditions plus à l'art qu'à la science. Elles sont le produit de l'imagination du philosophe comme les vers sont celui du poète et les notes de musique celles du compositeur.

Bibliographie de l'auteur
Ouvrage facile d'accès : La Métaphysique devant l'analyse logique du langage.


2 - La critique ontologique de la métaphysique
===============================================

Heidegger critique la métaphysique parce que :

1 La métaphysique crée des entités (Dieu, la Substance, les Idées) qui "voilent la compréhension de l'Etre" (c'est-à-dire de ce par quoi les choses sont et ce sans quoi on ne pourrait dire qu'elles sont).

2 La métaphysique demeure dans "l'oubli de l'Etre". Depuis Socrate et Platon elle a cessé, en effet, de s'interroger sur le sens de ce qui est.

3 La métaphysique doit être remplacée par un mode authentique de réflexion sur la question du sens de l'être. Ce mode de réflexion c'est "l'ontologie fondamentale" (en grec "ontos" "logos" signifie réflexion sur" l'étant").

4 La métaphysique ne fait pas la distinction entre les "étants", c'est-à-dire les choses qui sont (les idées, les hommes, les pierres et les fleurs) et "l'être des étants" qui est à leur source mais qui ne peut être décrit comme un étant, un objet.

5 La métaphysique se fourvoie en nous présentant des étants comme des solutions possibles à la question de l'être. Ex : Platon présente les Idées comme la clé de l'interrogation métaphysique, Saint Thomas pense que c'est Dieu, Leibniz pense que ce sont les monades, Spinoza la substance etc...

6 Qu'en est-il du sens de l'être ? Pourquoi y a-t-il de l'être et non pas plutôt rien ? Telles sont les questions que la philosophie doit penser à nouveaux frais (c'est-à-dire en questionnant authentiquement l'être qui est au-delà des étants que nous observons).

Nb : La réflexion ontologique de Heidegger a considérablement renouvelé l'intérêt des philosophes du vingtième siècle pour les vieilles questions de l'ontologie. Néanmoins on peut se demander si son projet aboutit à autre chose qu'à privilégier l'interrogation propre à la métaphysique générale (interrogation sur l'Etre) sur la métaphysique spéciale (interrogation sur l'âme, le monde et Dieu). Dans ces conditions on peut s'interroger sur la question de savoir si l'ontologie fondamentale de Heidegger sort bien du champ de la métaphysique qu'elle prétend dépasser.

Bibliographie de l'auteur
Ouvrage difficile d'accès : Etre et Temps (introduction)


3 - La critique transcendantale de la métaphysique
===================================================

La critique kantienne de la métaphysique repose sur les principes suivants :

1 Les limites du domaine de la connaissance sont constituées par les formes pures a priori de la sensibilité que sont l'espace et le temps et les principes de l'entendement (quantité, qualité, relation, modalité).

2 En tant qu'ils sont synthétiquement liés, formes principes et catégories de l'entendement, constituent
le "champ de l'expérience possible " dans lequel doit s'intégrer tout concept ou tout énoncé qui entend constituer une connaissance objective.

3 Les concepts d' Ame, de Dieu et de Monde (objets de la métaphysique spéciale) ne répondent pas à cette exigence parce qu'ils prétendent désigner des objets situés en dehors de l'espace et du temps.

4 En effet, l'Ame s' auto-définit comme une "substance" alors qu'elle n' a pas le caractère de la permanence. Les preuves de l'existence de Dieu affirment que "l'Etant qui a le plus de réalité" ne peut pas ne pas être mais elles ne peuvent situer cet être dans le domaine de l'expérience possible. De même le Monde est souvent défini soit comme fini soit comme infini sans qu'il soit possible de prouver l'une de ces assertions plus que l'autre.

5 Cela signifie que ces concepts métaphysiques ne sont pas de véritables concepts de l'entendement qui renvoient à un donné empirique situé dans le " champ de l'expérience possible " mais qu'ils ne sont que des Idées de le raison, des illusions transcendantales que la raison produit parce qu'elle est tentée de dépasser naturellement les limites du domaine de la connaissance et se fourvoie alors dans le dogmatisme théorique.

6 Le seul usage que l'on puisse admettre des concepts de la métaphysique est régulateur, heuristique et non pas constitutif. On peut faire comme si substance spirituelle existait en nous, comme si Dieu existait en tant que grand horloger du monde ou comme si le monde constituait une entité dénombrable mais on ne peut pas le prouver.

Nb : Si Kant refuse d'accorder la moindre validité, sur le plan théorique, aux énoncés de métaphysique il n'en va pas de même sur le plan pratique. C'est pourquoi il présente dans La Critique de la raison pratique l'idée d'une âme immortelle, l'idée de Dieu et l'idée de Liberté de l'homme comme des postulats nécessaires de la raison en tant qu'ils ne peuvent pas ne pas être pris en considération par celui qui veut parvenir au Souverain-Bien.

Bibliographie de l'auteur
Ouvrages "faciles" d'accès : Les Prolégomènes à toute métaphysique qui voudra se constituer comme science. L'introduction à la métaphysique des mœurs.

4 - La Critique politique de la métaphysique
=============================================

Marx et Engels considèrent que la métaphysique n'est qu'une illusion parce que :

1 Elle masque les rapports réels entre les hommes en substituant des termes abstraits à des situations concrètes et en présentant le monde à l'envers (comme mu par des entités spirituelles alors qu'il est le produit de rapports matériels déterminés). Ex : la philosophie métaphysique de Hegel qui représente le modèle type de ce grave défaut d'inversion puisqu'elle décrit l'histoire comme le produit d'un Esprit immanent et transcendant alors que l'histoire n'est rien d'autre que le produit de la lutte des classes et des oppositions d'intérêts économiques entre les Etats.

2 Elle est un instrument idéologique de falsification de la vérité dans le domaine de la réalité sociale, politique et économique.Ex : Hegel présente la propriété et la guerre comme des productions nécessaires de l'Esprit alors que ce sont des événements historiquement déterminés liés à l'évolution spécifique des sociétés et aux rapports institués dans ces mêmes sociétés entre les classes qui les composent.

3 Elle est un élément de la justification de l'ordre établi. Ex : Hegel dans sa Philosophie du droit sanctifie l'Etat prussien en le définissant comme la "substance universelle concrète", la manifestation objective de l'Esprit la plus élevée.

4 Elle n'est qu'une présentation fautive des rapports réels et intra-mondains. C'est pourquoi il faut renverser la philosophie de Hegel pour avoir une représentation juste des choses (remettre la dialectique sur ses pieds alors qu'elle marche sur la tête).

Bibliographie des Auteurs
Ouvrages faciles d'accès :L'Anti Dühring de Engels, L'idéologie allemande de Marx et Engels


5 - La critique vitale de la métaphysique
==========================================

La critique nietzschéenne de la métaphysique repose
sur les énoncés suivants :

1 Les métaphysiciens sont mus par un fort ressentiment à l'égard de tout ce qui est synonyme de vie et de force vitale.

2 Ils sont anémiés sur le plan de la vitalité organique et c'est pourquoi ils sont si prompts à déclarer que seule compte la vie de l'esprit, à dédaigner la vie du corps.

3 Ils sont faibles et haïssent les forts c'est pourquoi ils créent des valeurs négatives (le Bien, le Mal) qui inhibent l'action des forts et assoient le pouvoir des faibles.

4 Ils sont mus par l'instinct de vengeance qui pousse les faibles à vouloir se venger de leur situation de soumission initiale en faisant prévaloir des forces vitales négatives (qui sont exprimées au travers des concepts de Dieu, de péché...)

5 Ils trouvent dans Socrate, Platon, Kant et Schopenhauer leurs champions en tant que ces derniers sont l'expression la plus haute du nihilisme (c'est-à-dire de la négation de la vie et de la volonté de puissance).

6 Ce sont les " derniers hommes " qui doivent être remplacés par un nouveau type d'humanité, porteurs de forces vitales positives (que Nietzsche nomme les " surhommes " dans Ainsi parlait Zarathoustra) et de nouvelles valeurs de vie.

Nb : La critique nietzschéenne de la métaphysique a fait date dans l'histoire de la philosophie mais il faut bien prendre garde aux nombreuses ambiguités qu'elle recèle notamment concernant son analyse des rapports entre les faibles et les forts, les derniers hommes et les surhommes...

Bibliographie de l'auteur
Ouvrages faciles d'accès : La Généalogie de la morale, Le Crépuscule de idoles.


<> <> http://www.heraclitea.com/meta1.htm <> <>


__..._.--._.···._.·´¯`·._.  Jean-Christophe PACCHIANA  ._.·´¯`·._.···._.--._...__

Publié dans Cogito ergo sum

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article